Un an après l’affaire LuxLeaks, Eurodad publie un rapport qui analyse les efforts entrepris depuis par les pays européens pour lutter contre l’évasion fiscale.
Réalisé par Eurodad avec une quinzaine d’associations européennes, dont le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam France, ce rapport démontre que les Etats européens, malgré des démarches proactives, n’ont pas pris la mesure du problème, comme le montrent les derniers scandales impliquant McDonald’s, Fiat ou Starbucks. Plus grave encore, les mécanismes facilitant l’évasion fiscale au sein de l’Union européenne prolifèrent toujours, offrant autant de choix et de « nuances » aux entreprises multinationales qui souhaitent échapper à l’impôt. Douze « patent boxes » (régime préférentiel d’imposition pour les revenus tirés de dépôt de brevets) sont ainsi désormais en vigueur ou en passe d’être mises en place dans l’Union européenne, dont six ont été introduites ces cinq dernières années. Les citoyens de l’Union européenne et des pays en développement sont les premiers à payer le prix de cette crise fiscale.
Le résumé du document en anglais est disponible sur le site d’Eurodad (Télécharger), une traduction en Français est disponible sur le side du CCFD-Terre Solidaire (Télécharger) et l’intégralité du document en anglais est également disponible (Télécharger)
Justice fiscale
Par Ana Luisa Teixeira (Action Solidarité Tiers Monde)
La politique fiscale d’un pays est une composante essentielle de son processus de développement durable. La pérennité de toute économie moderne dépend de la capacité d’un Etat à se procurer des revenus suffisants pour financer l’infrastructure physique et sociale essentielle à sa prospérité économique. Autrement dit, l’injustice fiscale est un obstacle majeur à la réduction de la pauvreté.
Selon Christian Aid1, les flux financiers illégaux et illicites font perdre chaque année entre 660 et 870 milliards d’euros aux pays en développement. A titre d’exemple, alors que les exportations de cuivre depuis la Zambie ont généré 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2011, les recettes de l’Etat issues du cuivre s’élevaient à seulement 240 millions de dollars, dans un pays dont 69% des habitants vivent avec moins de 1,25 dollar par jour.
La plateforme Global Financial Integrity estime que l’évasion de capitaux depuis les pays en développement sous forme de flux financiers illégaux (criminalité, corruption, fraude fiscale) et illicites (évasion fiscale, manipulation des prix de transfert et autres activités illicites) s’est élevée à un montant de 946,7 milliards de dollars pour la seule année 2011, une augmentation de 13,7% comparé à 20102. Le rapport constate aussi que, entre 2002 à 2011, les flux financiers illicites ont augmenté en moyenne de 10,2% ce qui dépasse largement le taux de croissance du PIB. La région de l’Afrique subsaharienne subit les plus grandes pertes, les flux représentant 5,7% du PIB chaque année.
La taxation s’est avérée être la source de financement du développement la plus sûre. Au-delà du renforcement des systèmes fiscaux dans les pays pauvres, la coopération au développement doit se recentrer sur la lutte contre les abus fiscaux et la cohérence entre ses politiques fiscales afin de permettre aux pays vulnérables de générer des ressources internes et de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’aide externe.
Vu l’importance de la place financière luxembourgeoise, il est à craindre que le Grand-Duché ait une certaine responsabilité dans cette fuite de capitaux. Lors de l’examen par les pairs 2012 du Comité d’aide au développement, l’OCDE avait recommandé : « le Luxembourg doit poursuivre ses efforts pour minimiser les risques d’impact négatif de l’activité de sa place financière ».
(1) http://www.christianaid.org.uk/images/Campaigns-tax-capital-flight-briefing-Dec2013.pdf
(2) http://www.gfintegrity.org/report/2013-global-report-illicit-financial-flows-from-developing-countries-2002-2011/
liens utiles:
http://www.eurodad.org/
http://www.astm.lu